HISTOIRES DE FANTÔMES

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HISTOIRES DE FANTÔMES.

Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.

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2.3.14

462.159. LA PETITE BLONDE FAIT DES ACHATS RESPONSABLES.

Elle regarda la TV avec lui un moment. 

Il avait déjà remarqué sa présence. 

Et elle savait qu'il l'avait remarqué.

Comme tout bon commerçant. 

Comme toute bonne consommatrice dévouée à la bonne marche du capitalisme.

Il attendait, comme tout bon commerçant - ou même un peu moins bon (mais un commerçant moyen  tout de même expérimenté) qu'elle se tourne vers lui. Que leurs yeux se rencontrent. Comme par hasard. 

Brièvement.

Spontanément.

En attendant, il continuait à regarder la TV

Il est impoli et improductif ou, pire, contre productif, d'indisposer une future consommatrice. Dans le genre: on a besoin de quequechose ma petite dame! Ce qui aurait été une erreur funeste (et ou) fatale. D'autant plus que cette phrase, elle l'avait entendu trop souvent de la part de gens qui voulait impérieusement s'appesantir sur elle. Être outrageusement familier. 

D'autant plus qu'en plus, elle était petite. 

On voulait lui vendre quelque chose.

Elle le savait. C'était un commerce et on y vendait des choses.

Elle achèterait. Si elle le voulait. Et on ne lui ferait pas payer un loyer pour la vision des étagères. 

Ou le spectacle - même très joli - de la TV.

Dans le genre Rabelais. Un ami de Pantagruel se promène au marché et bifurque vers la boutique d'un rôtisseur. Il entre et hume sans payer. Et reste là à profiter du moment. Considérant qu'il n'avait pas l'intention d'acheter ou, pire, n'en avait pas les moyens, le cuisinier se fâche et lui réclame de l'$ pour avoir senti ses viandes. Certes délicieuses. Mais pas pour tout le monde. Car il faut les payer. Au lieu de se fâcher, le mauvais client - lorsqu'on est reçu de cette manière, on se promet de ne plus jamais remettre les pieds dans ce trou à rat - et on n'a plus l'idée d'aller une seconde fois chez les gens et de les complimenter sur leurs talents - est tout content. Il prend une pièce dans sa bourse. Ah! Il avait de l'argent. Peut-être de l'or. Et il est crédule en plus. Le commerçant se désole à la fois de sa mauvaise humeur tout en se consolant de la naïveté du client. Le genre de crétin qui fait tout ce qu'on lui dit. Dans le conte, il y a Panurge et ses moutons qui correspondent à cette description. Plus les moutons que Panurge, en fait. On revient à client. Celui-ci, encore content, ce qui semble faire parti de son état général, prend une pièce d'or, de l'or, la montre, c'est bien de l'or, la tend au rôtisseur qui reluit de joie et le client laisse tomber sa pièce sur le comptoir de bois et d'un autre geste, il la rattrape avant que l'autre le fasse à sa place et la remet dans son sac de cuir. Disant: Je te paie l'odeur de ton rôt avec le son de mon argent. Et il s'en va. 

S'il ne connaissait peut-être pas ses classiques dans leur version romanesque, il avait lu en BD: Gargantua & Pantagruel de Dino Battaglia. 2001, Éditions Mosquito. Qui existent encore. Mais plus l'auteur. Décédé. 

ISBN 978-2908551389

Et on l'a dit, c'était un commerçant moyen - vu la petitesse de sa boutique - mais prudent. Il était encore en affaire malgré le coût du loyer.

Et il attendrait.

Il faisait ça du matin au soir. Et dormait dans un coin de sa boutique. Ce qui était illégal - quoique les cuisiniers chinois ont la réputation de dormir dans leurs cuisines par famille entière - selon le code du bâtiment. Les assureurs. Les inspecteurs municipaux. Et les inspecteurs de l'hygiène. 

De temps en temps, un visiteur venait visiter. Parfois, silencieux. Quelque fois, parlant. Et, de temps en temps, le visiteur ou la visiteuse - plus rares en ces lieux - se transformait en client ou cliente et achetait.

Béni soient-ils!

Qui ne font pas encore leurs achats sur Internet.

Et n'essaient pas de le cambrioler.

Toute journée amène ses petites joies. 

Parfois pour soi. 

On collectionnait même. 

Comme il aimait cette catégorie de visiteurs - ou de visiteuses - plus rares. Selon lui, il n'y en avait pas assez dans ce monde. Ils étaient difficiles, regardant, prenaient un temps infini ou trop long à se décider mais cessaient de compter et d'économiser quand ils - rarement elles - trouvaient. Ils payaient et étaient même reconnaissant. Non. Il n'y en avait pas suffisamment.

Pas comme ces gens qui venaient acheter puis revenait réclamer leur $ et devenaient mécontents quand il leur disait qu'il ne remboursait pas mais échangeait seulement. Jusqu'à ce qu'il cesse même d'échanger. Il y a des limites! 

En plus, certains le traitaient de voleurs parce qu'ils avaient découvert le même livre dans un grand magasin qui le soldait. Même neuf. Leur truc pour attirer le client. 

Lui, donnait des signets. Ou marque page.

Clients qui seraient contents d'un rabais - ah! s'ils avaient su avant ! - qui ne coûtait rien au magasin puisque c'était l'éditeur qui consentait à se priver. Ou il faisait semblant .Même à 45 % de rabais, aucun des 2 ne perdaient rien puisque c'était la remise habituelle aux libraires. 

Parfois, le magasin réclamait une super-remise et c'était alors l'éditeur qui saignait pour tout de suite après faire saigner son auteur dont on réduisait le % de droit d'auteur. L'hémorragie financière se répandait et devenait contagieuse. 

Tout ceci pour vendre plus de livres. À perte. 

Ce qui était stupide. 

Non commecial.

Absolument et résolument non capitaliste.

Mais la vie commerciale était remplie de gens stupides qui faisaient sans cesse des actions stupides et insensées. 

Et, les clients du grand magasin - même ceux qui ne penseraient pas à l'insulter, lui, le libraire - ou ne savaient même pas qu'il existait, lui, ou même que quelque part, il y avait un commerce mystérieux, comme le sien, ou un autre, où on vendait des livres (réellement, il y a des gens qui font, fabriquent, vendent des livres) (tout de même étonnant !) - penseraient que tous les autres produits du grand magasin sont ou étaient aussi économiques. Parce que le propriétaire et les actionnaires étaient bons. 

Même catholiques.

Erreur. 

Ainsi le grand commerce ferait de l'$ avec l'$ des autres. Celui de ses clients et celui de ses fournisseurs stupides et suicidaires. Ainsi va la vie. Et la mort.

Le petit commerce essayait entre temps de respirer à l'ombre des grands arbres. Un peu de lumière lui parvenait parfois. 

Parfois.

Il avait abandonné les remises et les échanges - sauf si le livre était brisé - et il s'assurait au moment de la vente qu'il ne l'était visiblement pas. Et comme il était le seul vendeur et qu'il était toujours là, on ne pouvait pas lui passer en douce l'excuse qu'un autre vendeur que lui - puisqu'il était incurablement seul - avait vendu un bien avarié.

Car. 

Sinon, il aurait été encombré de jeunes lecteurs qui viendraient acheter chez lui et une fois lu, se feraient rembourser. Moins pire étaient ceux qui s'installaient des heures près d'une étagère pour lire tout ce qui s'y trouvait. On ne fait pas des affaires longtemps avec ce genre de sollicitude qu'on ne doit réserver qu'aux mourants et aux grands handicapés. 

Il avait le choix de les chasser au risque qu'on le déteste ou mette le feu à sa boutique ou jette une poubelle dans sa vitrine. Ou, pire, qu'au moment, où le client aurait enfin un emploi et de l'$, il penserait encore à son humiliation et aille chez le concurrent. 

Il considérait donc les jeunes clients qui stationnaient chez lui comme une forme d'investissement. Ou une bonne action qui serait récompensé au Ciel. 

Quoique ce concept soit vague puisque ses parents n'avaient pas songé à le faire baptiser. Pensant qu'il se déciderait un jour après avoir mûrement réfléchi. Ce que ne peut faire un bébé tout juste né. 

Oubliant la leçon millénaire des sectes qu'on n'endoctrine bien et durablement que les enfants. Mieux, les femmes. À l'état de fillette. Qui avec leur entêtement spontané pourront répéter jusqu'à leur dernier soupir les leçons de l'enfance. Et, au passage, endoctriner leurs propres enfants. Qui, à leur tour. Certaines sectes ont pu ainsi survivre des millénaires.

C'est ainsi qu'on porte des housses sur sa tête. Qu'on se la fait raser pour y ajouter une perruque. Avec des cheveux de femmes catholiques. Qu'on encourage le coupage de prépuce, de clitoris, l'égorgement des jeunes filles impures. 

Tout en proclamant sa liberté.

Et c'est avec joie, sincérité et gravité qu'on assistera au conseil de famille qui conclura à la nécessité d'égorger sa fille, sa cousine, sa nièce. Et la fille viendra comme un petit chien se faire égorger. C'est si bien fait.

La connerie humaine est symphonique. 

Ce qui est merveilleux.

On a peur que les ordinateurs se mettent à penser puis nous remplacent alors qu'on pense déjà comme des machines. 

Et penser comme des machines est déjà un progrès pour l'espèce.

Quoique «penser» ne soit pas le terme qui convienne. 

Anciennement, les médecins classaient l'intelligence par catégorie de quotient intellectuel. zéro à 25. 25 à 50. 50 à 75. Crétin. Imbécile. Débile. Attardé mental. Arriéré mental. 
Déficient mental. Handicapé mental. Handicapé intellectuel.  Malade mental signifiait fou ou dément. Mais on ne l'utilise plus. Débile. Idiot. Mongol. Attardé ou retardé. Aujourd'hui, on dira «autiste». Et ça va. On se sent mieux.

Même si on n'ose plus utiliser des termes aussi parlants, cette classification tient encore. A toujours son utilité. Elle explique le monde dans lequel on vit. 

Suffit d'écouter la radio.

Le crétin a une forme physique particulière - sa tête et son front - comme si l'organisme le modelait afin qu'on le reconnaisse ce qui obligeait ces infirmes à travailler à la radio plutôt qu'à la TV, trop révélatrice. Quant à la presse qui comportait son quota d'arriérés, encore fallait-il pouvoir lire et écrire. Ce qui exigeait un cerveau dépassant un peu le 75.

Actuellement, les idiots parlent avec ferveur de l'économie et du libre marché. La religion du jour. Un Q.I. de 74 suffit.

Il n'écoutait pas la radio.

Sauf la musique des années 70. Classique moderne ou actuel. 

Et il souriait à ses clients.

Quelquefois, on achetait pour donner un cadeau à un enfant, un enfant malade à la maison ou un enfant malade à l'hôpital. 

Comme il aimait ces petits mourants.

À qui on ne refusait rien. Il y avait même des organismes dont l'unique but était de procurer un dernier plaisir à ces petits malades. Presque agonisants. Généralement, un voyage organisé en chaise roulante à Disney World.

De vraies familles. De vrais souvenirs. Nous aimerions remercier la mère de la petite blonde d'avoir partagé ce souvenir avec nous et aussi de nous permettre de le partager avec vous. Toutes les mères savent à quel point les souvenirs sont à chérir. Et les souvenirs d'une fillette ? Et les souvenirs Disney? Ce sont des souvenirs magiques que vous vous rappellerez toute votre vie. Alors qu'attendez-vous ? Il y a des souvenirs Disney qui vous attendent.

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Et Zoommm Univers.

Avant qu'il ne soit trop tard.

Les voyages en groupe de mourants coûtaient moins cher. Et, en basse saison, encore moins.

Parfois, il faisait un bel emballage pour un enfant hospitalisé. Il ne faisait pas payer un supplément. Sauf si on insistait. Dans ce cas, il ne refusait pas.

Il regardait la jeune femme - la petite blonde - aller ici et là. Cherchait-elle quelque chose? Quelque chose de particulier ? Savait-elle ce qu'elle faisait ? 

Il n'avait jamais vraiment compris les femmes qui le lui rendaient bien. 

Mais il était chez lui.

Et elle était chez lui.

En quelque sorte son invitée.

Il était convenable qu'au bout d'un certain moment, le commerçant se présente et offre son assistance. 

Il était tout à fait convenable qu'au bout d'un certain temps, le client potentiel révèle ses potentialités et se décide à faire un acte commercial.

Il espérait que ce soit en $. Même ces horribles billets nouveaux en plastique qui colle. Car les cartes de crédit ou de débit coûtait quelque chose à chaque utilisation. Un % à l'utilisateur et un autre % au commerçant. 

Ceux qui faisaient vraiment des profits n'étaient plus les fabricants de quelque chose ou les vendeurs de quelque chose mais ceux qui leur louaient l'$. 

Il prit une grande respiration. Silencieuse. Comme à chaque fois qu'il abordait une femme. Ces êtres étranges et imprévisibles. 

Il espéra que cette fois il ne ferait pas de gaffe.

Il la salua et elle lui rendit son salut. 

S'avança vers elle. 

Et elle ne s'enfuit pas.

Comme la dernière. Il ne savait pas ce qu'il avait fait ou dit ou pensé - les femmes lisent-elles les pensées- et elle s'était sauvée. 

Si les femmes se mettent à acheter plus souvent, ici, il faudrait qu'il soit prudent. Il n'avait pas les moyens de gaspiller leur bonne volonté.

Bon. Elle ne reculait pas. Ne fuyait pas. 

Ne lui lançait aucun objet.

Lui souriait.

En effet, elle cherchait quelque chose mais ne savait pas quoi. Elle lui expliqua. Et c'était pour faire un cadeau. 

Comme elle était jolie, il se sentit heureux. Et remercia Dieu d'avoir créé les femmes. 

Elle cherchait du neuf. Ou des objets de collection. 

Quelque chose.

Terme vague.

Son ami aimait collectionner.

Elle avait un ami.

Cet ami était collectionneur.

Et elle était entré ici par hasard.

Quelle chance, elle avait, il avait plein de quelque chose et d'autres choses ici.

Il suffisait de regarder. Il y en avait partout.

Du plancher au plafond.

Pas un mur où il n'y avait quelque chose. 

Elle aurait pu partir et aller vérifier dans un établissement similaire mais plus grand et mieux tenu mais elle semblait avoir décidé que ce serait ici. 

Une opération commerciale se pointait à l'horizon.

Le seul défaut de cette affaire était qu'elle était une femme et une femme dans ce genre de boutique. 

Mais il avait tout son temps.

Et comme son loyer venait à échéance dans quelques jours et qu'il manquait toujours quelques $ pour faire le compte et que cette situation déplaisante se répétait souvent, il avait appris à convaincre. Faire pitié ne suffisait pas.

Et elle ne lui lançait aucun objet douloureux.

Elle ne criait pas.

Ne l'insultait pas.

N'avait pas l'air de vouloir le faire.

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État 1. 2. 3 - 2.3.5 mars 2014