Henry Dickson écoutait la petite blonde toute fière de son gros autobus et de son talent à le diriger. Et de ses bras dont elle admirait la force dans un volume aussi réduit.
Elle parlait d'une de ses cousines qui, elle, avait réussi à conduire un véritable gros autobus de voyageur, un Prévost Car de Volvo. Série X-3 45. 45 pieds. Empattement 334.5 pouces. 55 sièges. 208 gallons de carburant. 38 000 livres. Vide. 53 000 livres en charge. Moteur Volvo D13. 435 chevaux. Transmission automatique 12 vitesses. Roues de 22.5 pouces. Elle était toute menue -encore plus petite que la petite blonde. Dans son bel uniforme.
Un dossier parfait. Pas une erreur ou une plainte des voyageurs. Mais les belles histoires de princesse finissent parfois mal.
Un bonhomme s'était pris d'affection pour elle. Sans lui demander son avis. Leur relation est restée à distance tout le temps qu'elle aura duré. Il ne faisait que la suivre. D'un arrêt à l'autre. L'attendant à la descente des passagers. Et étant toujours là à leur montée. Finissait, même s'il ne lui adressa jamais la parole - se contentant de percer ses yeux du regard- et tout le reste de son anatomie - par devenir un rien encombrant. Pesant.
On découvrit plus tard qu'il avait fait un trou dans la poche de son pantalon ce qui lui permettait de se masturber en plain air, au chaud, discrétion, la main dans une poche et, direct sous la fermeture éclair. Dans une relative intimité. Monsieur Discret. Sans que personne ne le remarque. Chacun étant occupé par ses pagages ou son itinéraire.
Ce n'est qu'elle qui n'avait pas l'innocence des couventines d'il y a 50 ans qui a comprit son manège. D'un étrange admirateur, qui était toujours là, puis envahissant, il est passé à minable harceleur et voyeur. Qui ne cessait de reluquer ses fesses lorsqu'elle se penchait pour sortir ou entrer les valises des énormes soutes.
Et ses seins. Lorsqu'elle se penchait par en avant.
La petite blonde n'a rien contre les admirateurs - à condition qu'elle les trouve beaux. Ni contre les animaux - à condition que. Il y a bien des moments où un homme a tout le loisir d'être un animal et, elle, une chienne en chaleur. Ou lionne. Ou autre description plus appropriée.
C'est le fait que les astres s'alignent comme il se doit, au moment convenable qui décidera si l'union se fera ou si elle s'est faite, si elle durera.
Et si la fin sera douce amère, pénible ou cruelle.
Rien de pire qu'un mec qui décide de vous sodomiser par surprise quand vous faites la vaisselle. Sans même un petit bec dans le cou. Directement la main au pubis, sur le pantalon, ou sous la robe, dans la culotte, puis la main au cul et le pénis dedans ensuite. Quand une femme n'ose plus porter de robe - vu comme une invitation au gros bourdon comme une corolle de fleur, cachant à peine le pistil. Il y a comme un problème.
Et on parlera de l'incompréhension mutuelle entre les sexes.
Les anciens curés avaient pour instruction du Vatican d'encourager les femmes en confession (ils avaient un gros livres avec tous les péchés possible et les questions à poser aux femmes seulement) d'être en tout temps disponible à leur époux. Ceci faisant parti de leur devoir d'épouse.
Elle était comme un champs qu'il labourait afin de le rendre fertile. Le but étant de faire des bébés. Au lieu de poireaux. Le plus étant le mieux. Qu'elle en crève n'entrait pas dans le raisonnement. Bonne chrétienne, elle irait au ciel. Ou que les bébés poussés dans la terre aride meurent, aucune importance. S'ils étaient baptisés. De toute façon, ils étaient là pour mourir. Une sorte de raccourcis.
Ils ne faisaient que s'épargner une longue vie de misère et de privation. Qui ne servait qu'à éprouver leur foi. Et à mériter ce Ciel si peu accueillant. On n'était de toute façon pas sur Terre pour s'amuser. Surtout si on était pauvre. Encore moins, si on était femme. Et l'amour dans le couple, surtout en direction de l'épouse était vu comme une forme d'infidélité, d'adultère ou de prostitution. L'amour étant réservé à Dieu. Une sereine froideur étant conseillée.
Pour en revenir à sa cousine et son autobus. Ça a finit mal. Elle eut beau porter plainte. Contre un homme qui ne l'approchait pas. Sauf, rarement, dans le dos, mêlé aux autres voyageurs et touristes, alors qu'il était en érection. Sous son pentalon. C'aurait pu être le coin d'une valise. Ou un bâton de golf. Un peu plus mou.
Aucune preuve. Sauf sa robe ou son pantalon blanc (uniforme) un peu collant.
Il y a des limites à la patience d'une femme. Surtout d'une cousine.
Elle essaya de lui parler. Lui parler. S'expliquer. Déjà que l'approcher était difficile. Dès qu'il la voyait arriver, il se défilait. Il s'était amusé d'abuser d'elle sans qu'elle s'en aperçoive. Et une fois qu'elle avait compris son manège, c'était devenu encore plus amusant. Comment la surprendre ? Lui jouer un tour. La faire passer pour folle.
Car elle devenait maladroite.
Son gros autobus qu'elle contrôlait si bien, elle le contrôlait moins bien. Parfois, il lui échappait. Et, quelque fois, il y eut un l'accident. Son patron. Les assureurs de son patron furent compréhensif. Encore un autre trouble féminin. Et lorsqu'un parechoc ébréché vaut 3000$, on finit par moins comprendre.
Et comment comprendre quand on ne peut pas expliquer.
Le monde en est un de faux bourdons (ou de vrais) et de corolles de fleurs à butiner. Sans leur demander. Pour le bien de l'espèce. Si on cherche une explication positive.
Elle finit donc par se fâcher.
Et on retrouva son étrange et encombrant admirateur mort dans les toilettes où il se masturbait après une séance d'admiration collective. Il avait aussi besoin de public. Mais sans qu'aucun ne sache ce qui se tramait. Sauf elle et lui.
Un des 2 devaient partir. Ce fut lui.
Elle lui racontait donc cette histoire au moment où son minibus passait devant la salle du Conseil Municipal du Centre Communautaire du village. Et à ce moment, il y avait eu le Boum!
*
26. 27 mars. État 2
Mort. 1
Il y a des gens qui font des sudokus, du scrabble, des mots croisés ou participent à des pools de hockey pour se désennuyer. Je bois mon thé et je fais un quart d'heure de géopolitique. Et, en attendant la prochaine guerre mondiale - aujourd'hui, mardi 3 février 2015, il n'y a pas encore de guerre mondiale - j'écris des histoires de fantômes.
HISTOIRES DE FANTÔMES
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Vers minuit, à la lueur de la chandelle, monsieur Henry Dickson, devant l'âtre où brûle des bûches d'érables et de vieux parchemins, se penche sur son écritoire. Tout est tranquille dans la grande maison, tout semble dormir et, soudain,
il y a ce bruit.
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