Mercredi 24 décembre 2014 midi + 4
Monsieur Henry Dickson rentrait enfin à la maison après quelques aventures sans importance.
Ou si elles avaient eu la moindre importance, il était préférable de n'en rien dire.
Un secret connu de 2 personnes n'étant plus secret.
Et le mot «aventure» était sans doute exagéré.
Il était allé ici et là et il s'était passé des choses.
Il était allé ici puis là et, ensuite, tout s'était compliqué.
Avant de se simplifier.
S'en était suivi - suite à cette complication et avant cette simplification - une série de causes et de conséquences dont la première cause était aussi une conséquence d'une cause plus ancienne. Qui auraient pu durer indéfiniment.
Il s'était ajouté et le jeu changea subitement.
Et cette série de conséquences s'arrêta tout aussi subitement.
Pour certains. Abruptement.
Monsieur Dickson y mit un terme.
On pourra aussi bien dire «voyage».
Et tout le monde n'était pas décédé subitement.
1
Avant de revenir chez lui ou chez elle - la petite blonde - la situation n'était pas tout à fait claire - et se compliquait sans cesse et se compliquerait sans doute davantage
Avoir une femme ou un chat
Ou ne pas posséder de femme ou de chat
Pose un ou des ou plusieurs ou d'innombrables problèmes
Qu'il faudrait étudier soigneusement ou qu'il aurait fallu étudier attentivement
Avant de poser ce geste, ce premier acte
Avoir une femme ou un chat
Avoir une femme et un chat
Avoir une femme munie d'un chat
Acte qui deviendra une cause provoquant une conséquence
Et, avec certitude, même si on ne peut encore préciser les détails à ce moment de l'expérimentation.
Au moins du nouveau. De l'inattendu.
Une complication
2
Avant
Monsieur Dickson était passé chez le barista du village.
Il aimait qu'on l'appelle ainsi.
Faisant rouler le R comme à Montréal, comme s'il y en avait plusieurs.
Il y en avait maintenant plusieurs. Même 3. Un barista avec des R. Et 3 baristi dans le village. Ce qui faisait beaucoup de R.
Situation Darwinienne.
Lequel serait le meilleur ? Qui perdrait son titre ? Lequel survivrait au Libre Marché et à la Libre Concurrence du disciple de Sade, le machiavélique Adam Smith? La guerre de tous contre tous de Thomas Hobbes ou de Thomas Malthus ou la folle Ayn Rand. Ou le satanique Gilles de Rais. Dans un western pédophile nécrophile cannibale près de chez-vous!
La main invisible du marché dans la petite culotte ou la couche de votre fille.
Que ce monde soit dirigé par des fous et louangé par des hallucinés. Avec une littérature aussi fiable que les textes Aztèques pour régenter la vie de tous les jours est admirable. La crédulité des gens étant sans limite, il est normal qu'on en abuse.
Ce petit jeu sanglant auxquels soumettaient ceux d'en haut tous les autres en bas. Sans préciser clairement les règlements - ce qui dans ce cas tient plus du régime alimentaire - cette imprécision étant indispensable à leur survie et leur prolifération virale vu qu'ils étaient si peu nombreux contre tous - Ceux d'en bas.
Ceux d'en haut contre ceux d'en bas. Ceux qui perdaient dès la naissance. Du fait même d'être né. Leur vie étant ensuite une liste d'échec et d'amputation jusqu'à la mort qui les libérerait enfant.
Les femmes s'entêtant à reproduire la nourriture des carnassiers. Ou prédateurs. Comme n'importe quel insecte femelle de n'importe quel brin d'herbe.
La vie étant une immonde boucherie. Un abattoir.
3
Un au restaurant de la Marina, un autre à la boulangerie qui était aussi boulanger et le traditionnel, le plus ancien et le premier, lui, qui faisait aussi café/internet: centre de photocopie/fax/imprimerie (légère)/information touristique et de centre de communication internet branchable et WIFI. 25 minutes d'ordi et d'internet gratuit avec café. Ou le contraire.
Le seul endroit où on était sûr de trouver un jour des Français - même des Parisiens - désespérés de ne pas trouver nulle part quelque chose qui ressemble à leur café (avec la tasse adéquate et la grosse machine qui fait pssshhh!) - ou canadiens anglais ou étasuniens, australiens, allemands, suisses, belges. Mais pas encore de Japonais. L'ONU.
Et
Trafiquant d'armes.
4
Le Libre-Marché de l'entreprise libre indépendante libertarienne dans toute sa beauté. Dans une situation de libre concurrence scientifique au bénéfice du consommateur.
Seule l'intervention intempestive de l'État pourrait modifier cette situation.
Quelqu'un avait un produit et désirait vendre et de nombreux acheteurs désiraient acheter. Offres et demandes. Tant de désirs ne demandaient qu'à être satisfait.
Quoique des moralistes fondamentalistes traditionnalistes grincheux.
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Et de bon café italien.
Les armes n'étant qu'un supplément d'âme pour le commerce.
Ce qui aidait aussi à la rentabilité d'un commerce méritoire, d'une minuscule entreprise, un apostolat, une bonne action vers la sainteté. Non reconnue par le ministère des Affaires Culturelles. Dont monsieur Dickson était souvent le seul client. En ces temps d'hiver, même si le prophète et le philosophe du café officiait des 5 heures du matin (il dormait mal et peu) jusqu'à 5 heure du soir, au milieu de tout ce froid et toute cette neige. Il y avait peu de clients. Contrairement à l'été où les touristes étrangers assoiffés et désemparés repéraient l'endroit sur Internet. Oasis au milieu du désert agricole.
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Pour en revenir aux italiens
Les seuls, selon lui, qui savaient y faire. Les autres, même avec de monstrueuses machines très chères et très compliquées avec des jauges à pression et des manettes et des boutons et du cuivre et de l'acier inoxydable ne faisaient que du café bouilli avec du lait bouilli. Une boisson chaude et brune sentant la toast de pain blanc brûlée directement sortie du grille-pain. Ou noyé avec de la crème fouettée en canette pressurisée. Faute de mieux. Ou de prétentieuses choses à la vanille ou au sirop de citrouille avec des épices. Pire, des fines herbes. Ou des épices moulues. Innommable décoction déclenchant la terreur dans les intestins sensibles. Il ne restait plus ensuite qu'à se convertir à l'Islam. Et à attaquer le Parlement Canadien.
Pourquoi pas de l'eau croupie ?
Ils en étaient certainement capables
Donc
Achetait son café chez des italiens de Montréal - les seuls qui savaient mélanger et torréfier les mélanges de fruits et de grains de café et remélanger encore les grains de café cuits à point achetés partout dans le monde. Un mélange n'était jamais définitif. Selon les arrivages et les variations de la qualité et de la perfection des grains. L'odeur. Le goût.
Et ces italiens-là faisaient venir leurs grains de café d'Italie. Où on les recevait du monde entier. Le café ne poussant pas naturellement en Italie, contrairement à la vigne. Mais on savait l'acheter et le vendre. Et quoi faire avec. Et l'envoyer par avion.
Et à Montréal, dans la petite Italie, on savait quoi en faire.
L'Italie étant en soi une grande civilisation multimillénaire.
Que ce soit avec les raisins ou les grains de café.
Ou les monuments.
Quoique leurs chefs d'État soit régulièrement défectueux. Ce qui démontrait une négligence dans le choix des candidats. Ce qui ne datait pas d'hier. Grâce à eux quelques civilisations s'étaient effondrées. Mais ils les gardaient pour eux.
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Parce qu'ici, il y avait déjà surproduction de vermines qu'on pourrait envoyer par plein coffre d'auto ou cargo à qui en voudrait. Mais il y avait surproduction partout. Marché déflationniste.
Et
Comme le poisson, le monde pourrissait par la tête.
Et
La corruption municipale (sans oublier les commissions scolaires), provinciale et fédérale et financière, industrielle et les diverses perversions commerciales étant simplement une preuve de la liberté humaine sous le regard de Dieu. Explication qu'avait trouvé les prêtres de l'ancien culte. Parce que si l'Homme a été créé à l'image de Dieu, ce qu'on en voit, n'est pas très rassurant sur le créateur. Il fallait donc une explication et une autre quand la précédente cessait de fonctionner. L'Homme était donc libre. Si Dieu ne le guidait pas sans cesse pour lui éviter de faire des erreurs, il n'aurait pas été libre. Quoique la plupart des cultes trouvent cette liberté illusoire tout à fait inutile. Et, dans l'ancien culte, ce n'était qu'une condition d'une série d'occasions de plus propice au péché - la célèbre pelure de banane devant la célèbre blonde belge - ou Éve. Quoiqu'ils fassent, ils (elle) tombe(nt) inévitablement dessus ou dedans - prouvant leur condition humaine d'une humanité laissée à elle-même. Quoique Dieu ne demande qu'à pardonner. Et il pardonnait sans cesse. Sinon, il aurait fallu qu'Il détruise régulièrement les hommes comme Il avait fait jadis avec le Déluge, Babel, Sodome. Et c'était à chaque fois à recommencer.
Comme les parents d'enfants autistes, hyper-actifs, hallucinés, schizophrènes psychotiques psychopathes paranoïaques, demeurés. Avec déficit d'attention remuant.
L'euthanasie ou tirer à vue semble la solution la plus simple.
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Si on ne croit pas en Dieu mais aux biologistes, notre ancêtre serait une sorte de lézard rampant carnivore cannibale sorti de la mer. Ce qui explique aussi bien. Mais avec moins de poésie.
OU
L'homme procède par essais et erreurs vers son Salut. D'où le carnage qu'il laisse derrière lui.
Ainsi l'homme d'affaires, l'entrepreneur en construction, l'investisseur, le maire, le député, le ministre, le politicien, le chef de bande ou d'organisation de malfaiteurs - tout parti politique - organisation de politiciens criminalisés ou le chef du camp d'Auschwitz - s'il se repent sincèrement et regrette cette erreur de jeunesse provoqué par un enthousiasme scientifique.
Personne n'est parfait.
9
Avec
Une machine italienne, des tasses italiennes au bord épais ne pouvant contenir que la dose exacte et nécessaire et suffisante de café italien et des soucoupes italiennes et des petites cuillères italiennes.
Une tasse de 60 millilitres.
Homme de principes - il en avait plusieurs
Il ne vendait pas le café en gobelet (seau) (bidon) (chaudière) de carton d'1 litre comme certains qui en voulaient aux reins et aux foies et aux vessies de leurs malheureux clients.
Le café étant une drogue comme d'autres, agissant en bien ou en mal sur le cerveau. Mais agissant assurément. Et comme toutes les drogues pouvant tuer. On pourrait se demander quelles sinistres intentions avaient germé et suri ou surgi dans l'esprit malade de certains commerçants.
Autrefois, on aurait parlé de possession maligne.
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Mais
Ce n'est pas ce qui avait amené là monsieur Dickson.
Mais
Comme il avait tout son temps, il prit aussi son café.
Et prit aussi la précaution d'être optimiste.
Ce qui n'était pas dans sa nature.
Le barista aimait l'espoir et la bonne humeur. Et il lui avait fortement conseillé d'utiliser des proverbes souriants et des maximes douces. Ayant remarqué qu'un nuage noir semblait constamment posé au-dessus de sa tête, comme on en voit chez le Devin dans Astérix.
Lui-même faisait de grands efforts pour éviter les mauvaises nouvelles ce qui faisait qu'il n'observait du coin de l'oeil l'actualité de ce jour nouveau que le matin. Brièvement. Pour savoir. Mais juste assez. Trop savoir vous déprimait pour le reste du jour.
Ceci fait, il n'y revenait plus et évitait d'en parler. Pour éviter d'attirer le malheur.
C'était aussi une solution.
Les médias, oiseaux de mauvais augures, aimant terroriser les ménagères du matin au soir. Et, le progrès aidant, 24 heures par jour. Information en continu, on disait.
Il les laissait donc hanter les ondes de l'atmosphère. Sans lui. Parce qu'il tenait à rester optimiste. Ce qui n'était probablement pas dans sa nature, d'où tous ces efforts et ces rites méritoires.
Et les médias hantaient. Esprits sans repos flottant au dessus des eaux sombres à la recherche de victimes aussi influençables que vulnérables. Déjà, la moindre ménagère voyait des terroristes partout.
Et, au lieu de rassurer les gens, l'État leur prouvait sans cesse qu'ils avaient raison d'avoir peur. Et ceux qui avaient déjà peur n'avaient pas suffisamment peur. Il fallait être terrifié.
On vous l'avait bien dit. Nous sommes là pour vous le dire. Et l'opposition est faible. Il n'y a là que des députés faibles. Personne d'autre que nous n'est aussi fort et inflexibles dans la recherche de crime. Et de criminels. Sans nous, le crime nous submergerait.
Elle n'en voit pas suffisamment. Si c'était elle qui était au pouvoir, elle empêcherait les tribunaux de condamner. Ouvriraient les portes des prisons.
Et empêcheraient le Canada et son armée d'aller châtier les mécréants partout dans le monde. Comme son plus fidèle allié - ou le contraire - les USA.
Ils sont là, ils veillent, loups solitaires - comme les appellent le gouvernement du parti politique de pestiférés qui dirige l.État et le pays - les loups, inévitablement, achèteront une arme en vente libre ou une bombe atomique.
Mais les gens ont le droit d'acheter une arme. Comme le veut le lobby des usines d'armes. Qui recyclent vieux généraux et politiciens chômeurs. D'où un semblant d'erreur logique qu'il faut éviter de voir.
Il n'y a que les intellectuels homosexuels de gauche socialiste communiste nazis complices des terroristes qui remarquent ce genre de chose. Le bon peuple a un esprit simple. Et bon. Il croit ce qu'on lui dit. Et ne contredit personne. Sa simplicité est si inspirante.
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Le sommeil de la raison engendre des monstres.
Selon un texte accompagnant une gravure de Goya.
Mais ce qu'ils décrivent c'est eux. Et leur esprit malade et malsain.
On aurait cru que la science, l'éducation et le progrès vous aurait définitivement délivré de ces malédictions d'un autre âge mais, encore de nos jours, bien des gens importants avaient tout intérêt à hanter les esprits innocents. Comme les pervers en imperméable rôdent et font le tour des garderies ou des écoles primaires.
Posséder les esprits n'étaient plus le but de sorciers antiques et puants mais de gens modernes et ambitieux. Ils ne pouvait accéder au pouvoir et le conserver et l'augmenter qu'en ensorcelant les enfants.
Seuls les idiots votaient pour eux. On devait donc encourager leur multiplication.
Contrôlant les esprits, on régente les corps.
Et on détourne de l'État, l'$ de tous pour acheter des armes aux industries qui paient leurs élections. Ensuite, il fallait trouver un pays pauvre pour utiliser ces armes qui cesseraient d'être neuves ce qui obligerait à en acheter d'autres.
S'il fallait tuer des millions de gens pour les défendre et les libérer, tant pis. ll suffisait de faire un autre projet de loi.
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Il était vivant.
Il avait eu une vie compliquée dont il ne voulait rien dire.
Il était vivant, ce qui le surprenait lui-même. Et préférait consacrer le reste de sa vie au café.
Comme ce commerce ne payait probablement pas l'hypothèque, il lui avait ajouté celui de vente d'objets de collection et antiquités diverses. Dont des armes. Outils artisanaux et industriels.
Et comme monsieur Dickson s'était trouvé avec une grande quantité d'armes, antiques mais n'ayant jamais servi, donc à l'état neuf, il aurait été bien malheureux de les détruire. Ou de les donner à des gens dépourvus de goût qui auraient en plus posé trop de questions. Que faisaient ces armes sous les plancher ? Comme si ce détail insignifiant intéresserait quelqu'un. Il en avait parlé à la petite blonde qui ne posa pas de questions déplacées - c'était un autre mystère de la maison qui en contenait bien d'autres - qui l'avait aidé à transporter les explosifs les plus instables - car il y avait aussi des explosifs - instables - car antiques - dans l'hangar. Qui étaient disparus en explosant et envoyant en Enfer une série d'imbéciles locaux. Avec les débris de la grange. C'était plus une grange qu'un hangar. Mais qui explosait et flambait fort bien. Qui furent la cause de leur propre malheur. Comme dans les contes. Parce qu'il était normal que la stupidité soit punie. Et la méchanceté. Comme ceci arrive rarement dans la vie réelle, remplie de gens stupides et enragés et méchants qui occupent les plus hauts perchoirs, on se désapprend des contes. Qui conservent pourtant leur usage. De temps en temps.
C'était comme une collection de timbres mais en plus lourd et encombrant.
Comme le hasard continuait à bien faire les chose, après la découverte de ces armes sous le plancher de la maison, il y avait eu la découverte d'un intermédiaire nécessaire et indispensable entre les amateurs d'armes lointains et la géographie.
Qui ne posa pas de question, lui non plus.
C'était un métier qui nécessitait le plus grand optimisme. Parce que des institutions concurrentes, privées et publiques, légales ou non, ou à peu près légales, fabriquaient et vendaient également des produits et objets concurrents appelés armes. Et tenaient à en garder le monopole. Comme ils avaient le monopole de la morale. Un bout de principes et un bout de commerce. Des sangsues et des ténias scrupuleux sans scrupule.
Et les États qui, entre 2 principes et des leçons de morale et l'étalage public de leurs vertus respectives, vendaient à crédit (si encore c'était à profit mais comme les nations riches fabriquaient et vendaient déjà, et qu'il y avait surproduction, il ne restait que les nations pauvres ou les armées rebelles ou les terroristes fauchés pour acheter ou louer - à crédit ) les instruments de mort les plus sophistiqués - tout ce que l'esprit humain le plus démoniaque peut imaginer de plus pervers - des pièges ou des mines (anti-personnel) qui arrachent les pieds et les mains des enfants - ou de jolis explosifs à parachutes qu'on lance par milliers à partir d'avions ou d'hélicoptères et qui vous réduisent en bouillie une tête de bébés (Palestinien, Irakien, Afghan)
N'aimaient pas qu'on leur fasse concurrence dans le carnage.
L'hypocrisie étant une production étatique à grand débit. On la déversait donc sur le monde en flot continu comme la diarrhée sanglante d'Ébola.
Une fois l'achat et la vente effectuée - il n'était qu'un intermédiaire dans une chaîne d'intermédiaires, il retournait à son café.
Recommandant de ne rien dire de mal de la météo et de la pluie ou de la neige. Dans cette étrange saison où rien n'était décidé du sens de l'hiver.
Monsieur Dickson fut donc optimiste
3
Mais il était temps de refaire ses comptes.
Un autre chargement d'armes avait quitté la maison pendant son absence et celle de sa compagne, la petite blonde.
Il avait remis 1 clé au barista et celui-ci avait comme convenu - il ne devait la prêter à personne - ouvert la porte où il y avait la serrure ancienne et complexe correspondant à cette vieille clé. La porte arrière. Lourde et lente. Menant directement à la cave.
Non que monsieur Dickson ait une confiance inébranlable envers son fournisseur de café liquide habituel - il n'avait confiance en personne - et la vie - et le contact des humains - lui avait prouvé qu'il ne fallait faire confiance en personne - ce qui ne voulait pas dire qu'il n'y avait personne ou qu'il n'y avait jamais eu personne - mais c'était de les distinguer rapidement - réfléchir indéfiniment avant d'arriver à une conclusion incertaine était un processus inutilisable dans la vie ordinaire - même si monsieur Dickson faisait des efforts pour être héroïquement optimiste.
Un ami à lui avait ce don - rare - ce qui rendait son contact glacial. À quoi bon entrer en relation ou poursuivre une relation quelconque avec un candidat Judas? Pourquoi discuter du contraire ? Quel argument amener qui rendrait la compagnie de Judas, Robespierre ou Gabriel Principe plus acceptable ?
Ce don tout à fait antisocial lui faisait aussi limiter ses visites commerciales dans les magasins où des vendeurs sincères vantaient les qualités d'objets dont ils ne connaissaient rien. Et sitôt l'achat décidé, passait en phase revente pour de mystérieuses garanties prolongées. Pour cette chose supposée aussi utile qu'inusable. Ceci fait, ce serait la vente d'assurance. Et si jamais quelque chose allait mal, se brisait, on ne vous reconnaissait plus. Vous disant d'aller ailleurs avec cette chose défectueuse qu'on n'avait jamais rien vu et qu'on ne désirait pas voir.
Compte tenu de ces aversions, il n'avait jamais remis les pieds chez un concessionnaire automobile, repaire de requins de la finance - d'eau douce - tout aussi redoutable que les boursicoteurs et conseillers financiers des banques, crapules de haute mer.
Comme il limitait l'usage de son cerveau, il avait décidé de désapprendre à conduire puisque l'apprentissage n'avait été entrepris que dans le but de conduire une auto. Pour ceci, il fallait l'acheter ou la louer. Et les locateurs étaient encore moins fiables que les vendeurs. Proposant une auto en apparence impeccable - mais c'était un autre piège - au retour, ils faisaient inspecter la chose et découvrait de terribles usures et malversations datant de tous les utilisateurs précédents qu'il refilait au dernier naïf de la liste. Avec un air de déception envers le sinistre consommateur qui avait abîmé leur unique possession sur cette terre de larmes.
La vie est une grosse machine, la réalité un énorme système à cylindre, fils électriques et terminaisons électroniques et nerveuses, sans compter les mystères et les miracles dans les éprouvettes à produits chimiques élémentaires ou cosmiques au, au moins, alchimiques. Apprendre tout ceci avant de mourir prendrait tout son temps.
Il avait donc décidé pour se faciliter la vie de soustraire sans cesse. Décidé de ne rien apprendre des femmes. Qui vous compliquent la vie avant de vous l'empoisonner avec leurs excès chimiques. Leurs innombrables terminaisons nerveuses défectueuses. Et des enfants. Créatures funestes qui rendraient fou et assassin l'homme le plus calme.
Les femmes étaient jolies et de loin. Trop proche, elles sentaient bizarre. Et il avait décidé de fantasmer et de les imaginer - son imagination étant immense et sans fin - plutôt que de subir leur sinistre réalité.
Quelques expérience, prudentes et digne de laboratoire, avaient été tentés au cours des précédentes décennies ayant mené à une catastrophe prévisible qui, heureusement, n'avaient eu que des conséquences moyennement désastreuses car il avait déjà envisagé le pire dès le commencement. Et le pire était arrivé comme prévu.
Mathématiquement, ceci est un principe physique - et on pourrait y ajouter de la chimie - un homme et une femme ne peuvent occuper le même espace. Si on tient absolument à calculer l'espace suffisant où ce principe élémentaire verrait un commencement d'exception - car la réalité prouve qu'effectivement, des hommes et des femmes vivent dans le même espace. Même dans le même corps pour un temps plus ou moins bref.
Supposant une surface ou un cube, disons un loft de 1600 pieds carrés. Muni d'une porte menant à un autre espace féminin - disons une salle de bain - de 100 pieds carrés.
Si on suppose qu'un pied carré vaut 100 $. L'espace nécessaire à un coupe vaudrait près de 2 millions de $. Et on ne compte pas ces abjects monstres que sont les bébés qui deviendront des enfants autistes et bossus.
S'il y a l'espace, il y a aussi le temps qui devait être pris en compte.
Il avait aussi calculé qu'un contact physique ou une proximité physique - disons, une discussion dans un même lieu, autour d'une même table, sur un même fauteuil ou des fauteuils séparés ou dans le même lit - ce calcul soigneusement établi démontrait qu'1 heure était bien suffisant. Passé ce délai était excessif.
Expliquer tout ceci à une femme était au-delà de sa patience et de leur compréhension. Les femmes étant à la fois des êtres compliqués et simples. Et les plus douces pouvaient devenir furieuses lorsqu'on tentait de leur expliquer calmement. Cette qualité étant jugé suffisante pour leur faire admettre l'inévitable. Le problème est que les femmes n'admettait rien. Étrange peuple.
Son ami avait pour principale occupation de penser - comme certains artistes pensent et font de temps en temps. Par exemple, peindre. Lui, pensait seulement. Ce qui prenait tout son temps. Entre le sommeil. Il dormait mal. Les repas. Il n'avait jamais faim. Et manger était répugnant. Et la douche et la toilette. L'animal avait besoin d'aller à la source pour boire, brouter et pisser ou chier. Ensuite, il retournait penser sur son fauteuil. Ceci lui prenait tout son temps et il avait besoin de tout son espace pour cet usage. Ne pouvant tolérer la présence d'étranger ou d'étrangère.
Et les femmes comprenaient mal ce qu'était la fonction de penser.
Comme certaines étaient allergiques aux arachides, aux chats et aux chiens, à tous les animaux de la création - sauf les enfants.
L'endroit où il pensait, elles le voyait très bien transformé, relooké en nid pour une trallée de bébés et d'enfants avec jouets et biberons. Il resterait bien le sous-sol pour peindre, lire ou penser. Avant qu'on le transforme en salle de jeu, cinéma maison, chambres pour ado.
C'était comme s'il lisait dans leurs pensées. Tant leurs pensées débordaient de leurs cerveau reptilien. Il les voyait déjà ovuler en pensant à cet espace qu'elles ne pourraient jamais se payer et qu'il lui offrirait. La délectation et l'appétit matérialiste qui luisaient dans leurs yeux. Il avait compris comment il était imprudent d'amener ces formes de vie chez lui.
4
Lui, monsieur Dickson, récemment avait hérité d'un don nouveau qui ne semblait utilisable que dans les situations dangereuses, préférablement mortelles ou douloureuses - ce qui lui avait permis de retourner en Enfer un apprenti Démon - il avait demandé par la suite à la petite blonde si elle était responsable de ce nouveau talent qu'il ne se connaissait pas - si elle avait fait quelque chose à son corps et à son esprit - celle-ci lui répondit qu'elle avait fait bien des choses à son corps mais ne savaient pas vraiment de quoi il parlait - le tout avec ce sourire si particulier qui lui ferait pardonner l'incendie de Rome et la crucifixion des chrétiens par Néron. Un autre grand incompris.
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Quoiqu'il n'ait jamais noté d'indice prouvant cette méfiance - monsieur Dickson n'aimait pas les humains - pour de bonnes raisons - mais il n'avait jamais eu rien à redire sur cet humain en particulier quoique celui-ci soit, parfois, abrasif.
On ne remet pas la clé de sa maison à n'importe qui.
Mais il avait le droit d'avoir son petit caractère déplaisant. Il était chez-lui. Avait la gentillesse de recevoir des étrangers - dont monsieur Dickson - dans son petit établissement. 2 tables. 4 chaises. Il était donc maître chez-lui. Comme monsieur Dickson l'était dans sa maison.
Cette idée le faisait aussitôt sourire.
Il ne fallait pas oublier la petite blonde. La maison existait à peine sans elle.
Et il la voyait sourire.
Comme si elle l'entendait penser.
Quelque part
Et c'était fort possible.
Où qu'elle se trouve.
Quelque part
Ailleurs
Comme si on pouvait être maître de cette maison.
C'était un grand animal minéral tiré des roches. Un grand animal forestier. Scié des arbres tués pour ou afin qu'elle existe.
Un grand animal de verre. Ses fenêtres étant ses yeux.
Un grand animal, tortue de fer qui était sa toiture.
Un grand animal sauvage.
Qui tuait ceux qui ne savaient l'apprivoiser ou qui avait l'imprudence parfaitement et exactement stupide de s'en croire définitivement le maître. Comme un objet.
Cette imprudence s'avérait fatale.
Si le corps subissait et survivait.
Parfois.
L'esprit naufragé piquait directement dans le fond des abîmes.
Les pauvres fous qui le lui avait vendu pour une poignée de $ - précisément, le peu d'$ qui lui restait dans les poches - précisément - comme s'ils avaient su - et il lui était impossible de refuser une telle offre qui ne se représenterait jamais.
Même s'il était parti, avait tout quitté, laissé les clés de son appartement à la femme qui dormait encore dans son lit - il ne se souvenait même plus de son nom - il ne devait plus revenir.
Il allait alors droit devant suivant la route précédent son auto.
Et il aviserait lorsqu'il n'y aurait plus d'essence.
ll avait eu soif.
Dans un chemin de campagne entre rien et ailleurs. Il ne savait où il était à ce moment ni quelle heure il était puisque ça n'avait aucune importance puisqu'il aillait au bout de l'univers vers le gouffre qui l'appelait.
Il y avait eu une vieille pancarte mangée par le temps et les saisons.
MAISON À VENDRE
DIRECTEMENT DU PROPRIÉTAIRE
Il aurait plus aller plus loin. Il y avait probablement une autre ferme ou une autre maison quelques milles plus loin.
Mais il avait vraiment soif.
Sans même qu'il le décide tout à fait, son auto avait suivi le long chemin de terre puis de gravier qui menait à la galerie d'en avant. Au nord.
Au sud, il y avait une vaste véranda ou solarium qui permettait de supporter l'automne tardif et de sortir dès les premiers temps du printemps. Sortir à moitié tout en demeurant à l'intérieur à l'abris du vent, du froid et de la pluie. Le soleil chauffait la longue pièce ou le corridor vaste et long. C'était très bien fait mais il ne le savait pas encore. C'était de l'autre côté de la maison.
À ce moment, quelque chose en lui avait soif à avoir mal.
L'homme et la femme sortirent en courant comme des désespérés.
Il pensa qu'il ne devait pas avoir de la visite souvent.
Ils s'étaient trompés sur ses intentions, croyant qu'il avait vu l'affiche «à vendre» et venait acheter. Mais on. Monsieur Dickson avait soif.
Ils furent bien déçu mais espérant encore. L'homme fit signe à la femme qui repartit à la maison comme une condamnée et revint avec un verre d'eau fraîche tout à fait délicieux. L'homme en profita pour dire que la maison avait son puits que son eau venait d'une source excellente et que s'il avait voulu, il aurait pu l'embouteiller et la vendre directement.
Mais le gouvernement ne cesse de réglementer et d'empoisonner la vie des honnêtes gens.
Monsieur Dickson but le grand verre d'eau.
Plein d'espoir, le couple siamois à 2 têtes dirent en même temps la même question, comme s'ils réfléchissaient à 2: en voulez-vous un autre.
Dans un film - il manquait la musique - des maniaques empoisonneraient de naïfs passants. Ou dans la vie, un maniaque distribuerait des petits gâteaux aux adolescentes qui feraient du pouce afin de les endormir - il y aurait de la drogue dans le Jos Louis, un petit gâteau Vachon - et des les amener chez-lui pour les sodomiser et les ramener ensuite sur la route. Ce petit manège durerait indéfiniment puisque ses victimes ne se rappelaient de rien. Jusqu'à ce que l'une d'elle, zigzague sur la route au lieu d'attendre une autre auto et se fasse écraser. Ce qui déclencherait une enquête. L'état de la victime décrite par l'autopsie provoquerait la réouverture du dossier. Ce n'était pas la première fois qu'à cet endroit de la route, on retrouve des jeunes hommes perdus. Comme les possédés, il ne pouvait s'empêcher de faire ce qu'il faisait. Son sperme se trouvait partout sur sa dernière victime. On n'avait pas autopsier les autres puisqu'il n'y avait jamais eu de mort avant ce jour-là. Juste une série de cauchemar. Généralement, ce sont les jeune femme qui rencontrent le Grand Méchant Loup. L'homme avait un long dossier d'agression sans preuve. Sa carrière de maniaque ayant commencé dès l'adolescence alors qu'il était imprudent. Ce n'est que plus tard qu'il avait mis au point sa stratégie parfaite qui le rendait invulnérable. Il avait des goûts particuliers: il ne lui suffisait pas d'être attiré par les personnes de son propre sexe ou des jeunes hommes ou de grands garçons, il aurait pu avoir tout cela en allant en ville. Comme le font bien des hommes mariés des campagnes et des banlieues. Il fallait, il était obligatoire que son partenaire n'en sache rien, ne puisse jamais plus communiquer avec lui. Et il devait le prendre de force. Ce qui était risqué avec un jeune homme vigoureux. Il devait y avoir de la douleur. Mais il ne faisait pas parti des tortionnaires qui ont besoin de faire encore plus souffrir. Et qu'on ait peur d'eux. Dont un certain nombre travaillent pour la police. Il voulait faire ce qu'il voulait de ses victimes obéissantes d'où la nécessité de les droguer. Il ne fallait pas non plus que son partenaire soit visiblement favorable ce qui lui reflétait l'image déplorable de sa dépravation. Ce devait être un jeune homme en apparence hétéro. Ce qui était beaucoup plus attirant. Du moins pour son esprit pervers et compliqué. Il fallait une drogue qui annihile la volonté mais pas les mouvements car il n'avait aucune envie de s'acharner sur des cadavres ou comme si, comme une autre catégorie de pervers - on en retrouve beaucoup chez les dentistes qui aiment abuser de leurs patientes endormies. Il fallait que le corps de sa victime soit coopératif. Avant et après. Car, étant seul, il ne pouvait les porter. Il fallait qu'elles marchent docilement jusqu'à son auto. Puis jusqu'à sa maison et de nouveau à son auto et hors de son auto sur le bord de la route. Sans jamais se réveiller tout à fait. Quoiqu'il fasse. Sinon il risquait de se faire agresser lui-même. La posologie, après essais et erreurs était calculée selon la grandeur et le poids de sa victime. Il y avait toujours quelqu'un sur le bord de la route. Les jeunes femmes avaient peur - et la peur est le commencement de la sagesse - mais les jeunes hommes se croyaient invulnérables. Une dose trop forte et il serait impossible d'extraire son futur amant de l'auto. Il devrait le reporter sur la route quand la circulation serait moins présente. Et la police avait remarqué à un certain moment et noté ce fait curieux qu'un plus grand nombre de jeunes hommes étaient endormi sur le bord de la route. Ils ne se rappelaient de rien. Et étaient seulement inquiets du fait qu'ils auraient pu dormir une journée entière. Certains utilisaient de moyen de locomotion imprudent mais économique pour aller à tel festival de musique. Ils avaient calculé le temps de déplacement. Avaient pris de l'avance. Mais pour une raison mystérieuse, ils avaient dormi et s'étaient réveillés au poste de police le lendemain de la fête. Personne ne les avait volé. Ils avaient encore l'$ ou le billet du spectacle. Que ceci arrive une fois était possible. Mais 10. Et dans les mêmes environs. Les policiers sont de naturel curieux. Ils n'aiment pas les coïncidences. Et ceci ne se reproduit plus parce que leur apprenti agresseur avait trouvé enfin la bonne dose. Et, les fois suivantes, les apprentis victimes le devinrent réellement. Tout était parfait. La rumeur disait que ces environs étaient dangereux sans préciser la raison. Les statistiques étaient contre lui. C'était si tentant et il avait de plus en plus souvent envie de renouveler l'expérience. Et l'erreur était inévitable. On retrouva dans le même no man's land, un adolescent errant sur le bord de la route. Signalé par des automobilistes qui en avaient déjà assez de surveiller les chevreuils et les orignaux qui en voulaient à leur pare-brise. Sur le bord de la route. Couché dans le fossé de la même route. Errant sur la route. Accident évité de peu. La maniaque enculait sans cesse les adolescents et vivaient dans un paradis de sensation inouïe. Jusqu'à ce que des tas de lumières envahissent la cour de sa maison. Les journaux ajoutèrent des détails. L'homme travaillaient dans la pâtisserie où on fabriquait les petits gâteaux au chocolat avec de la crème blanche. Il en avait des caisses chez-lui. Il avait tout le temps d'inciser les enveloppes de plastique qui protégeaient ces gâteaux pour y injecter les médicaments. Et il y avait des tas de boites de gâteaux déjà préparés. Après une agression, il en préparait une autre. Il était devenu une machine à agresser. Ce fut un scandale dans son usine. Personne ne pouvait croire qu'il pouvait faire ce genre de chose. Les spécialistes du marketing dirent que c'était une très mauvaise image pour leur compagnie. Au procès, il ne pouvait expliquer ce qui l'avait pris. Ce qu'il pouvait dire - mais il ne dit rien - c'est qu'il était devenu incapable de s'en empêcher - et que ceci aurait pu durer indéfiniment si un accident malheureux - il en était triste - il n'avait jamais voulu la mort de personne - n'était arrivé. Un adolescent comme ivre zigzaguait entre les lignes doubles jaunes au milieu de la route comme une cible mobile attendant le choc fatal. Qui eut lieu. L'adolescent fut projeté dans le pare-brise du camion qui suivait l'auto qui venait tout juste de l'éviter. Et on déroula ensuite la pelote de laine des indices et des soupçons, du premier fil jusqu'au dernier. Le possédé fut condamné à longtemps et se pendit dans sa cellule au moment où on allait le libérer. Des années plus tard.
Toutes ces images malsaines passèrent dans l'esprit de monsieur Dickson lorsqu'il buvait. Remarquant le regard attentif de ses fournisseurs d'eau. Ils prenaient plaisir à sa compagnie, ne voulait plus qu'il parte. Lui demandait s'il avait faim. Encore soif.
Et, tout en buvant, il se demandant si dans son verre.
Et, à tour de rôle, l'homme et la femme, tentaient de lui vendre la maison.
Ils avaient vraiment envie de vendre.
Ce que les spécialistes appellent des «vendeurs motivés». Après un divorce coûteux. Un décès. Une faillite. Il faut transformer la maison en $. Réaliser sa valeur.
Ils étaient si pitoyable.
Ils faisaient vraiment pitié.
Monsieur Dickson n'avait pas été charitable depuis longtemps.
L'envie irrésistible de leur faire plaisir lui prenait.
Ce qui était inhabituel. Pour lui. Il se demandait s'il était malade.
Il n'avait pas besoin d'une maison. Il n'avait pas envie d'une maison. Une maison, c'est s'immobiliser. L'image de la tortue avec sa coquille sur le dos. Immobiliser son $ pour des décennies. Et on ne pourrait plus aller où on veut quand on veut parce qu'il y aurait une hypothèque, des assurances, des taxes scolaires et municipales. Et des fonctionnaires vicieux qui viendraient l'emmerder pour inspecter son gazon. Une nation moderne produit sans cesse des fonctionnaires merdeux pour surveiller et punir les simples citoyens. Même si on a envie de les tuer, c'est comme les punaises de lit des motels, il y en a tant qu'on n'en viendrait pas à bout.
La dernière chose dont monsieur Dickson avait besoin était d'une maison.
Les autres avant- dernières choses dont il avait besoin étaient. Il pensa à une femme. Comme celle dont il ne souvenait pas du nom qu'il avait laissé dormir dans son lit ou celui du propriétaire de l'immeuble puisque le loyer était payé jusqu'à la fin du mois.
Les autres dernières choses dont il avait besoin était une femme devenue une épouse. Une épouse enceinte. Et des produits de sa fertilité braillant ici et là dans la maison ou l'appartement trop petit. Une épouse coûte très cher. Une épouse enceinte vous ruine carrément. Et bousille votre vie avec ses monstres chiant et hurlant qui deviendront des adolescents inadaptés qu'on a envie de rapporter à l'orphelinat même s'ils n'ont pas été adoptés. Et il pensa au maniaque aux petits gâteaux avec un plaisir pervers. Il en faudrait plus des comme lui.
L'idée qui existait à ce moment était qu'il allait devant lui et déciderait de son futur lorsqu'il ne pourrait plus avancer.
Mais les 2 vendeurs de maison le regardaient plein de ferveur et d'envie.
En plaisantant, il leur dit que puisqu'ils tenaient tant à partir et à se débarrasser de leur maison: pourquoi ne pas la lui donner.
L'homme trouve que c'était une bonne idée.
Il était sur le point d'accepter lorsque sa femme lui dit qu'ils n'avaient pas le droit.
Ce qui était une expression vraiment curieuse.
Consciente d'être allé trop loin, elle rectifia le tir de son idée en disant que le gouvernement ne voudrait pas: pour éviter des ventes illégales et pour recevoir des taxes - les municipalités entrant dans le bal, voulant aussi leurs taxes et aussi ce qu'ils appelaient la «taxe de bienvenue» pour le nouveau propriétaire: 5000 $ ou +.
Même si la maison était évaluée pour les taxes municipales à la moitié de sa valeur sur le marché des maisons à vendre, ils y tenaient à cette taxe. Toute échappatoire était risquée.
Réalisant qu'elle ne cessait de donner des raisons - certes valables de ne rien vendre - mais qui brimerait le système nerveux de tout acheteur motivé. Elle adopta une nouvelle tactique. Pour la première fois, déclara à voix haute un prix de vente.
Ce qui était une bonne chose: le prix demandé était une fraction de la valeur sur le marché, sans doute proche des taxes municipales, ce que tout acheteur de maison, encore mieux, tout acheteur en couple muni de famille nombreuse - la maison aurait pu héberger quelques familles nombreuses et même une secte de ce genre
Mais cette douce voix rappelait à la raison monsieur Dickson.
Il n'avait pas besoin de maison.
Il ne voulait pas de maison.
Lorsqu'on va mourir, on n'achète pas de maison.
Une sorte de litanie absurde émanait du couple. Comme une chanson sans musique. Des chiffre qui diminuaient sans cesse.
Une sorte d'encan à l'envers. Il est de tradition que la litanie de l'encanteur, incompréhensible sauf aux initiés, aille du plus petit prix vers le plus haut disponible. Cette fois, c'était le contraire.
Finalement, ils arriveraient au moment où ils devraient se résoudre à la lui donner.
Mais il ne voulait pas de cette maison.
Et comme la femme avait dit, horrifiée de s'entendre expliquer la raison: elle n'avait pas le droit de la donner.
Il était impératif que les fous vendent.
Parce que.
Ils ne pouvait donner.
Pour une ou des raisons qu'ils ne pouvaient expliquer.
Ou qui ou qu'il leur était interdit d'expliquer.
Monsieur Dickson adorait les mystères.
À au autre moment, son cerveau aurait flairé une embrouille et aurait été irrésistiblement attiré.
Mais c'était ailleurs, autrefois.
Pourquoi ne pouvaient-ils pas donner leur maison?
Parce que c'était fou.
Ils étaient visiblement fous.
Mais cette folie n'était pas suffisante pour leur faire abandonner un dernier reste de raison ?
Même s'ils en avaient envie.
Il y avait sans doute une logique. Une logique délirante mais faites de phrases qu'on pouvait suivre.
Ils devaient donc trouver un acheteur.
Pourtant une si jolie, si antique, si grande maison aurait dû attirer les amateurs. D'antiquité, de campagne, de silence, de vieillerie.
Ou simplement un promoteur qui l'aurait rasée afin de faire de la place pour un mouroir de vieillards - institution très demandée ces temps-ci. Très rentable si on dépense peu. Ce qui est la base du capitalisme. La plupart des gens ayant une notion vague du capitalisme. Pourtant littérature et théologie de la religion officielle de leur monde moderne. Et de leur pays.
En cas de problème, supposons un incendie
Il y aura une personne pour faire sortir les paralysés et les lents et les hallucinés en pleine nuit dans un banc de neige. Les institutions gouvernementales faisant exprès de croire à leurs normes imaginaires. Quitte à faire un procès au survivant - généralement le plus jeune gardien supposé garder les lieux et préférant s'enfuir dès le début de l'incendie. Encore ces temps-ci un procès littéraire présente ces divers imaginaires: 7 minutes pour vider de ses occupants octogénaires une bâtisse de 3 étages. Normes officielles. Alors qu'une heure avec 10 préposé(e)s serait insuffisant. Parce qu'il faut au moins 2 personnes pour réveiller et transporter ces mourants dans les escaliers. Il est interdit de se servir des ascenseurs - s'il y en a - dans ce genre de situation. Mais on est bien obligé de faire semblant puisqu'on veut privatiser ces services que ne veut plus assumer l'État. Et donner sa chance aux petits entrepreneurs locaux qui sauront remercier leurs députés. Ainsi en va t-il des garderies. Dont les permis sont achetés à l'État pour rien du tout et revendus aussitôt. On parle de garderie privée alors que c'est l'État qui paie les 3/4 des frais. Les pauvres n'ayant pas les moyens de les utiliser pour de bêtes raisons financières. Il en coûterait moins cher dans des établissements publics mais on se retrouverait avec des fonctionnaires syndiqués de plus. Et pensions au bout. Ce qu'il faudrait calculer clairement dans les comptes de la provinces alors que les prétendues privatisation - au frais de l'État - encore une fois les pauvres - encore eux - n'ont pas les moyens - parce qu'ils sont pauvres - des les utiliser - sont comptés dans un autre chiffrier. Ce qui permet de clamer son allégeance au capitalisme, au Libre Marché, comme on aurait fait il y a quelques décennies pour la théologie Vaticane et l'Archevêché ou l'Évêché. La Chambre de Commerce ou le Conseil du Patronat ayant remplacé une forme de littérature pieuse par une autre. Quoique leur poésie aride et moderne soit moins inspirante.
Mais c'était interdit.
Non seulement par le zonage du village. Auquel veillait rigoureusement les cousines et leurs amies et neveux.
Et la maison ne l'aurait pas permis.
Les pauvres fous qui avaient vendu la maison à qui ils l'avaient acheté à d'autres fous - souvent suicidaires - avaient bien essayé de s'enfuir. Quoiqu'ils fassent où qu'ils aillent, ils s'endormaient dans un hôtel lointain où les avait mené auto/autobus/train/avion - enfin la liberté. Et ils se réveillaient le lendemain dans la maison.
Ce qui fut le sujet ou la cause ou l'enchaînement de conséquence menant à d'autres suicides, des meurtres ou des pendaisons.
La maison était particulièrement inspirante.
Ce qui fait que monsieur Dickson en confiant la clé de la porte du sous-sol au barista (après avoir prévenu la petite blonde qui aimait bien savoir qui venait chez-elle) avait dira-t-on une certitude suffisante au sujet des transporteurs qui viendraient remuer chez-lui. L'entrée ouverte dans le mur intérieur de la cave était suffisamment évidente pour éviter qu'on se demande où il fallait chercher. On ne ferait qu'aller et venir. Et on partirait une fois le camion plein. Une comptabilité rigoureuse serait faite. Et toute personne à qui il prendrait l'envie de fouiner hors de la cave mourrait.
Ceci était arrivé à un des transporteurs. Sa mort demeura inexpliquée. On ne chercha pas à en savoir d'avantage. Et on l'enterra dans un champ. Comme ceci arrive souvent en campagne. Toutes les morts ne se terminant pas par une cérémonie sobre et pieuse à l'église du village.
S'il avait vu quelque chose avant de décéder ne concernait que lui. Et il n'était pas en état de répondre au question tout étendu qu'il était dans l'escalier de bois de la cave menant à la cuisine.
Ce sont des choses qui arrivent dans les vieilles maisons.
Si elles sont suffisamment anciennes, elles auront eu leur lot de mort naturelles. Ou non. Naissances ratées. Vieilles personnes mortes de leur âge.
Ou cet ancien propriétaire qui avait eu les amygdales enflammées
et un médecin plein de bonne volonté. Comme l'hôpital le plus proche était loin et que la situation du malade empirait et devenait souffrante, le médecin eut la mauvaise idée d'opérer sur la table de la cuisine. Son patient était gros. La table avait les pattes fragiles. Au moins une était particulièrement faible. Le patient endormi au chloroforme sur la table avait le ciseau et le couteau dans la gorge et beaucoup de sang. Aucune infirmière ou épouse pour éponger. Le flot de sang devint rapidement incontrôlable et empêchait de voir ce qu'on faisait. Comme tout peut toujours être pire, la patte fragile de la table lâcha à ce moment. Le malade eut la gorge tranchée par l'intérieur. Le scalpel ressortit par la gorge. Il tomba à terre. Sur le plancher de la cuisine. Sur le dos. S'était probablement brisé quelque chose. Ce qui n'avait aucune importance puisque l'hémorragie s'arrêta aussi brutalement qu'elle avait commencé. Puisque le coeur avait cessé de battre. Une chose amenant généralement une autre. Le médecin imprudent qui se pratiquait sur ses malades aurait pourtant dû savoir qu'il allait au delà de ses compétences dans des zone d'entropie dangereuses. Il fallut à ce médecin plusieurs accouchement malheureux avant qu'il découvre la meilleure manière de ne pas tuer sa patiente et son bébé. Il avait cessé de retirer des appendices n'ayant pu trouver une méthode qui ne tuait pas son malade. Et les amygdales furent particulièrement réussie au patient suivant. Il avait enfin compris en travaillant sur le motif l'erreur qu'il s'acharnait à répéter.
Ce n'était qu'un mort de plus pour la maisons qui avait déjà tant tué.
C'était pourtant une bonne maison mais qui avait ses caprices. Elle ne faisait pas de sentiment et n'avait pas d'émotion parce que le bois, la pierre, le verre, l'ardoise, le fer, la terre ne sente rien. Ils ne font que participer à la série de causes et de conséquences, d'actions et réaction qui précipitent la vie dans la mort.
On ne pouvait donc lui en vouloir.
Et, elle avait l'avantage rare, que tous oubliait. Sinon, les gens du village y aurait mis le feu en groupe il y a longtemps. Comme ils avaient fait avec le local du club de motards dont un des membres avait tué une fois de trop.
Seuls ceux qui savaient ne parlaient pas.
Ceux qui parlaient oubliaient sans cesse. Même l'emplacement de la maison ou son âge ou sa réputation sinistre devenait vague. La mémoire est comme la marée. Elle ne retient rien.
On en revient au trafic d'armes.
Les armes de la guerre précédente devenues de coûteuses machines antiques à collectionner partaient donc de la maison jusqu'à la frontière dans un camion loué. Le chargement transitait à travers une des réserves indiennes dont la tribu et son peuple traversait les frontières canadienne et étasuniennes - jusqu'à New York - sans que ces paranos ne ricains n'osent faire quoi que ce soit même infestés mentalement de leur pandémie antiterroriste et de la menace terroriste. Qu'ils avaient eux-mêmes crées en jouant aux apprentis-sorciers.
Les bateaux bas et rapides apportaient ou rapportaient de la grande ville, alcool, cigarettes, marijuana, armes, papiers monnaies, médicaments les nuits sans lune d'été. La réserve étant un territoire indépendant, le conseil de bande qui la dirigeait, la voyait plutôt comme un pays neutre. Ou une nation. Il y en avait une centaine de ces nations au Canada. Où les policiers n'osaient pas entrer. Ou avaient peine à en sortir s'ils avaient faire l'erreur première.
Il eut semblé logique qu'une tribu qui ne reconnaissait aucun gouvernement de blancs - fut-il canadien ou ricain - les considérant tout comme des envahisseurs dont il fallait profiter en se faufilant au travers de leurs lois avant qu'un miracle se produise - ce que leur promettait leurs sorciers - et que tout ce joli monde retourne en Europe d'où ils venaient.
Semblables prières envoûtaient tous les descendants des peuples massacrés ou génocidés dans tout le continent de la grande île. Les vivants comme les morts. Toutes ces civilisations disparues et arasées dont les quelques traces pillées restaient dans les voûtes des musées des barbares blancs. Du bout du Chili à toute l'Amérique du Sud jusqu'au Grand Nord.
Les Palestiniens et les Arabes avaient de semblables prières contre les européens blancs d'Europe qui se prétendaient Juifs étaient venu faire la loi chez eux. Comme si une religion faisait un peuple. Tous ces hallucinés qui prétendaient que cette terre leur appartenait parce qu'ils avaient écrit eux-mêmes les aventures de leur Dieu. Ce qui était bien pratique. Ils subiraient le sort des Croisés dans quelques siècles. Et les ruines de leurs villes sécheraient pendant d'autres siècles comme les anciennes ruines des croisés. L'Histoire est longue et patiente.
Les armes partaient de la cave de la maison. Ce qui restait d'une révolution bien préparée mais qui fut sans suite parce que son principal initiateur mourut comme tout le monde. Et que personne ne put remettre en place l'écheveau de liens, d'influences et de possibilités qu'il avait eu en tête. Lui seul se comprenait. Et n'étant plus là. L'Histoire officielle suivit son cours lent et pénible.
Chacun prenait une part du butin. Comme au temps des pirates. Ce qui laissait jusque là plus d'1 million pour la maison et ceux qui y habitaient.
La maison était à monsieur Dickson mais la petite blonde ayant changé le futur en empêchant qu'on le tue, elle méritait une demi part. Qu'elle consacra à ses pauvres. Monsieur Dickson lui fit remarquer - ce qu'elle savait déjà - qu'il y en avait quelques milliards sur Terre et qu'1/2 million était.
Mais elle avait son idée.
Comme elle disait.
Mais ne voulant pas aller jusqu'à dire jusqu'où allait cette idée. Il valait mieux changer de sujet. Son vaste esprit envisageait les choses du passé et du futur qui était au-delà de la compréhension d'un simple mortel comme monsieur Dickson.
Et en parlant du loup ou de la louve.
Elle était là.
Quand monsieur Dickson arriva avec ses cadeaux.
Jolie, charmante, souriante tout ce qu'il y a femme.
Personne ne demanda à l'autre où il était ces derniers mois. Ce qui aurait été un sentiment bourgeois. Chacun avait sa vie. Et il arrivait que cette vie comme les trajectoires des astres se rencontre ici et là.
Il suffisait d'être content de retrouver l'autre.
Il suffisait de s'être ennuyé. Férocement
Elle souriait admirablement.
Et il eut fallu être un monstre pour lui reprocher son absence.
Comme les chats, elle était là puis ailleurs. Comme les chats de la maison. Qui disparaissaient entre les murs. Ou les plafonds. Ou entre les planchers. Elle avait bien prévenu qu'il ne fallait jamais les chercher ou tenter de les suivre. Les chats sont les intermédiaires entre ce monde et d'autres mondes. Comme les femmes.
Sur la table, il y avait à manger et à boire.
Et dans le salon, près du foyer, il y avait un grand sapin. Naturel. Mais non cultivé. Car la mode et la génétique aidant - voulait que l'arbre soit bien vert et bien fourni. Ce qui ne laissait aucune place pour les boules de verre et décorations anciennes qu'elle tenait de sa mère et de sa grand mère. Et un sapin qu'une femme ne peut décorer longuement est sans intérêt. Sauf si on se contente de l'entourer de guirlande lumineuse DEL.
Dans le foyer, il y avait des bûches qui brûlaient telle que le voulait la tradition.
La petite blonde avait une immense famille partout dans le village, la province et le monde mais peu de personnes de son sang.
Monsieur Dickson était son amant et s'était mélangé à elle et comme les chats, elle habitait en lui, dans son esprit et sa maison dont elle était devenu la moindre pierre, l'éclat dans le verre ou le luisant du parquet de bois centenaire.
Monsieur Dickson savoura son repas à la lueur des chandelles sur la table et se perdit longuement dans son regard. Elle le regardait de ses yeux d'ombre dorée et rêvait dans son esprit.
Les heures passèrent et il devint minuit.
L'horloge grand-père ou grand-mère - elle s'était demandé pourquoi l'horloge était sexiste ? Autre question sans réponse. Une des innombrables questions qu'elle posait à tous ceux qui avaient le malheur de passer à proximité. Depuis. Depuis, probablement, ses 2 ans. Lorsqu'elle put discuter avec les adultes. Elle s'apprit à lire à 3 ans. À écrire à force de lire à 4 ans. Et sa mêre lui fit l'école jusqu'à ce qu'elle meure.
Ils s'échangèrent des cadeaux.
Il y avait une grosse boite sous le sapin. À son nom.
Il la prit - elle était pesante - et la posa sur la table. Elle attendait, surveillant son opinion.
Il ouvrit la boite.
Monsieur Dickson aimait les choses rares. Il y avait dans la boite une grosse pile de revues de bandes dessinées allemandes datant de près de 100 ans.
Les formidables aventures d'Adolf Hitler et de son assistant Franz Kafka.
Il manquait des numéros - elle ne lui dit pas qu'elle avait dû jeter quelques exemplaires trop tachés de sang.
Tout ce qui existe sera détruit.
Monsieur Adolf Hitler qui était dessinateur à ce moment avait rencontré monsieur Franz Kafka qui venait d'abandonner la poésie car ses soeurs lui avait dit qu'il était vraiment trop déprimant. Il les déprimerait encore davantage lorsqu'il se consacrerait à la littérature fantastique et d'horreur.
Monsieur Adolf Hitler, comme bien des peintres de son époque et de toutes les époques, avait eu bien de la difficulté à se faire une place dans le milieu fermé de l'art où les collectionneurs, galeries d'art, musées décidaient qui d'entre eux vivraient et mourraient.
Il s'était trouvé un agent - terme bien exagéré - qui faisait le colporteur itinérant et vendait les cartes postales qu'il faisait à la main - le fait main ajoutait à leur valeur. De petites oeuvres pour touristes comme on en trouve dans la rue du Trésor à Québec.
Il faisait aussi des dessins humoristiques pour quelques publications. Comme ses besoins étaient limités, il put voyager et aller en France où son exotisme attira ou rebuta certains éditeurs. Dans les salles d'attente, il rencontra monsieur Marcel Duchamp qui rentrait d'Allemagne et qui accepta de faire de l'humour sous ses dessins. En échange de quelques petits personnages dans ses dessins.
Monsieur Adolf Hitler comprenant qu'il en aurait pour quelques années avant de faire sa place à Paris retourna en Autriche où il entra dans le studio d'un grand magasin où avec d'autres dessinateurs, peintres et graveurs, il fit des publicités et des catalogues. La photo imprimée en noir et gris donnait un air sinistre à tous les produits sur ce mauvais papier. Et des dessinateurs minutieux continuèrent cette tradition en Belgique jusque dans les années 60.
Monsieur Adolf Hitler qui souffrait et était aigri de savoir incompris, ayant eu toujours l'idée qu'un grand destin lui était réservé et l'attendait quelque part. Comme bien des grands hommes et des tas de gens célèbres. Sauf qu'il ne savait pas où.
Les révolutions artistiques fulguraient ici et là. Malevitch lançait dans la verrière du bon goût son carré noir sur fond noir ou blanc ou carré blanc sur fond blanc. Ce qui rendait fou les chantres du bon goût et les professeurs de toutes les académies. C'était sans compter les DADA qui furent bien heureux d'incorporer ce grand incompris professionnel. Et monsieur Marcel Duchamp qui ferait souffrir pendant un demi siècle tous les amateurs de Kant. Et des philosophes français souffreteux des poumons.
Finalement, monsieur Hitler se trouvait bien heureux d'avoir été refusé dans les académies où on perpétuait la traditions languissantes et moribondes des 500 dernières années. Avant que les nouveux jeunes ne l'achèvent cruellement d'une balle dans la nuque.
C'est dans ces jours-là que monsieur Hitler rencontre monsieur Kafka et que dans la vraie vie comme disait sa logeuse, ils partirent à la recherche d'un mort pour découvrir des choses qui n'étaient pas destinées à leurs yeux.
La chance sourit aux amateurs et aux novices dans les maisons de jeux à condition que ces imprudents ne remettent pas sur la table leur gain nouveau. Ils quittèrent l'antre de malheur où ils avaient été amenés. Avec la secrétaire qui les avait suivi. Et qu'ils sauvèrent plusieurs fois.
Dans les cours du soir que monsieur Hitler suivait dans l'espoir d'avancer sa manière ce qui lui permettrait de tenter sa chance une nouvelle foi dans une école spécialisée, un imbécile de professeur ne cessait de leur dire qu'il fallait qu'il raconte son vécu. La plupart des jeunes hommes et des jeunes femmes qui partageaient ce cour avec lui, n'avaient aucun vécu. Ils étaient trop jeunes.
Quand monsieur Hitler tenta de raconter ce qu'il avait vu. Il se fit engueuler une fois de trop. C'était trop incroyable. Pourquoi ne dessinait-il pas le kaiser ou un déjeune à la campagne avec une femme nue?
Monsieur Hitler bouda et alla rejoindre monsieur Kafka qui boudait aussi.
Ils burent ensemble jusqu'à ce qu'ils oublient.
Ce pourquoi l'alcool avait été inventé.
Ou la drogue.
La proposition d'un éditeur leur revint à l'esprit et ils décidèrent de raconter leurs récentes aventures sans la raconter.
Il suffisait de changer les lieux. Ils ne les oublieraient pas mais il suffisait de dessiner autour. Il y aurait une jeune femme naïve et vulnérable qui serait enlevée par des méchants. Et des héros iraient à son secours.
Par taquinerie et pour se faire un nom - tous deux étant inconnu d'Ève et d'Adam - ils donnèrent un nom à leurs personnages.
On signa un contrat.
Il y aurait 2 sortes de publications. De petites revues raconteraient ces aventures avec des mots. Et monsieur Hitler ferait les couvertures couleurs avec des monstres, des pieuvres et des chinois fous. Aussi des savants fous.
Et une série de fascicules couleurs brochées avec des bandes dessinées de monsieur Hitler. Le scénario serait de Kafka.
L'Histoire viendrait plus tard brouiller les pistes. Et on ferait de grands efforts pour faire disparaître les bandes dessinées de Hitler. Il resterait les feuilletons. Dont on changea les noms des personnages. Et le nom du dessinateur.
Après bien des péripéties, ces aventures furent traduite et améliorées en Belgique et elles commencèrent leur nouvelle vie éditoriale en français et en flamand. Pour redevenir des bandes dessines en album couleurs 50 ans plus tard.
Monsieur Hitler n'avait plus d'idée depuis le départ de son ami Kafka. Son père le réclamait afin qu'il poursuive une vie honorable et utile - au lieu de cette vie d'artiste dévoyé - dans les assurances. Ce qu'il fit scrupuleusement jusqu'à ce qu'il étouffe littéralement. Et comme il arrive souvent la mort le libéra de cette corvée de vivre.
Monsieur Adolf Hitler qui avait tant de talent décida cette fois d'écrire. Il avait parfois remplacé Kafka lors des épisodes dépressifs de celui-ci. Aucun homme normal ne fait de carrière artistique. Il faut être fou et suicidaire pour entreprendre ce genre de chose dont le destin final dépend du hasard et du caprice du destin.
Cette fois, ce serait un roman de science fiction dont la mode était française et américaine. Il raconterait sa vie. Dans un univers parallèle. Ce serait Men Kampf.
Il y aurait un pouvoir total. Des masses programmées. De jolies costumes. Des guerres.
Ce serait fascinant et les lecteurs seraient fascinés.
Il se voyait raconter ces chapitres dans les établissements où on servait des boissons alcoolisées. Et comme il avait une belle voix ce qui envoûtait déjà les femmes, il se disait qu'il enivrerait aussi les lecteurs même ceux qui ne savent pas lire.
Lors de ses discussions avec monsieur Marcel Duchamp, il avait écouté celui-ci lui faire part d'une nouvelle découverte. La peinture ne l'amusait déjà plus. L'expression bête comme un peintre le taraudait sans cesse. Et il voulait faire de l'intelligence.
Il lui fit part de son idée des readymade. Des choses ou des objets découverts ou choisis - il appelait cela alors des readymade aidés. Des sortes de collage comme faisait déjà Picasso et Braque. Qui ajoutait des objets réels à leurs tableaux cubistes. Dans son cas, le collage serait un objet entier. Pris dans une quincaillerie. Sans que le goût intervienne. Et qui par sa seule volonté deviendrait un objet d'art puisqu'il ne voulait plus peindre de ses mains. Monsieur Duchamp étant un homme bien compliqué.
Monsieur Hitler accompagnant monsieur Duchamp après l'avoir aidé à monter sa roue des bicyclette sans pneu sur un petit banc blanc, l'écouta découvrir un sèche bouteille qu'il appela hérisson.
Ensemble, ils allèrent ensuite chez un antiquaire découvrir autre chose. Monsieur Duchamp préférant découvrir des objets industriels que jamais personne n'avait envisagés comme beaux et qui pourtant l'était. Les antiquaires étaient entourés de formes anciennes de beautés venant de cabinets de curiosité ou de collectionneurs décédés ou ruinés dont on avait basardé les restes. Trop d'art en perspective. Mais tant de possibilités.
C'est là que monsieur que monsieur Hitler découvrir un ancien symbole hindou qu'il redessina dans un autre sens puisque l'originalité était un concept dépassé et antique. Cette jolie croix gammée débarrassée de son fond de femmes nues dans des postures indécentes seraient l'illustration de couverture de son nouvel ouvrage. Un énorme roman qui ferait du bruit.
Il rêva même qu'on obligerait les gens à l'acheter.
Monsieur Hitler était un véritable fantaisiste.
Monsieur Hitler deviendrait l'homme de l'année du magazine Time d'Henry Luce. Avant qu'on efface cette couverture embarrassante.
Les Dieux cruels ayant besoin de sang firent rouler les rouages du temps dans un autre sens.
Et monsieur Hitler devint comme il l'avait prévu un grand homme. Un grand politicien, homme d'État, conquérant.
Lui qui méprisait tant la politique et les politiciens lorsqu'il allait avec monsieur Kafka écouter ces animaux dans leur antre. Tous ces bourgeois repus plongés dans l'auge à cochons.
Le temps était passé.
Tous ces gens étaient morts.
Monsieur Dickson lisait les formidables aventures disparues et introuvables de monsieur Hitler, son fidèle assistant Kafka et sa dévouée secrétaire dont il était timidement amoureux. Quoique les charmes juifs de monsieur Kafka ne le laissait pas indifférent.
On découvrait tant de choses entre les lignes ou les espaces blancs des cases.
La petite blonde regardait monsieur Dickson lire et pénétrait ses pensées. Ce dont il s'était rendu compte depuis un moment et il ne cherchait même plus à lui faire barrage.
Le feu du foyer auquel on avait ajouté quelques nouvelles bûches pétillait, grésillait et luisaient. Une bienheureuse chaleur emplissait la pièce.
Tout était paisible en cette nuit de Noël.
Il pleuvait dehors sur la neige.
Le réchauffement climatique que détestait le gouvernement canadien détraquait le temps antique afin de faire place à un nouveau temps.
La petite blonde ramassait les choux et les rubans et les papiers colorés ne voulant laisser rien perdre.
Et elle se rassit à la table devant son grand et fier amant. Jouant avec la petite boite qu'il lui avait donnée. Remplie de jolies choses.
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État 1.2.3.4.6 - 24. 25. 27.28 décembre 2014. 6 janvier 2015